La démocratie au sein de Naam

1°) Définition

Les groupements Naam sont nés du Kombi-Naam (‘’Pouvoir des jeunes’’) association traditionnelle d’entraide villageoise de jeunes gens et de jeunes filles du même groupe d’âge. Il représente en miniature la structure politique de la société traditionnelle mossi ; son objectif se veut l’intégration sociale des jeunes par le travail participé et par l’enseignement des valeurs fondamentales comme la solidarité, l’égalité, la justice, l’équité et la démocratie.

2°) Organisation

Des jeunes du même village ou d’un groupe de quartier (10 à 35 ans pour les garçons, 8 à 20 ans pour les filles) se mettent d’accord pour organiser le Kombi-Naam. En général, on l’unitie pendant la saison des pluies. Toute personne, fille ou garçon, répondant à ces critères d’âge peut intégrer le Kombi-Naam sans distinction d’ethnies et de classes sociales. Tout le monde adhère sur le même pied d’égalité, tant au niveau des droits qu’à celui des devoirs. Les membres du Kombi-Naam apprennent à connaître les règles qui les régissent et s’y plient volontiers pour la bonne marche de l’ensemble.

Les fonctions et tâches sont attribuées pour assurer la cohésion du groupe, l’apprentissage des jeunes à la maîtrise de soi, de la patience, du courage, du respect des institutions qui régissent non seulement les Naam mais aussi la société toute entière.

3°) Election des responsables

Le Groupement Naam est l’une des associations traditionnelles qui ne souffrent pas d’inégalités sociales. Les minorités privilégiées, les minorités discriminées et les majorités psychologiques y sont admises. La discrimination y est formellement interdite, compte tenu de la diversité culturelle ici intégrée.

Les membres sont tous éligibles aux postes de responsabilité. Ni la fortune, ni la naissance, ni le sexe n’interviennent dans les élections. Seuls comptent le caractère, le tempérament, l’esprit de sociabilisation et la compétence technique du candidat. La démocratie qualitative, la régulation des statuts sociaux, l’exercice collectif de la responsabilité font l’essence de l’Association.

Elle est bâtie en dehors de toute conception extérieure et rendue évolutive par ses acteurs actuels. Il faut éviter à l’individu d’être prisonnier d’une formule. Elle lui fermerait l’accès à d’autres idées. Il doit être disponible à tout instant pour d’autres essais et vivre en harmonie avec son environnement.

Si le Prince et le Riche sont systématiquement élus responsables dans les autres associations, il en est autrement dans le Kombi-Naam. C’est pourquoi pour la circonstance, les ancêtres ont inventé quatre (4) critères d’élection. Tout bon responsable du Kombi-Naam devrait être capable de :

  • Maîtriser ‘’sa langue’’, c’est-à-dire parler peu mais pouvoir convaincre son interlocuteur par argumentation et ne jamais le heurter. La délation, le mensonge et la calomnie lui sont formellement interdits.
  • Etre d’humeur égale, capable à tout instant de réguler les impulsions de son cœur, c’est–à-dire maîtriser ses sentiments, ses colères et ses envies amoureuses. Ces dernières en particulier trop étalées le positionneraient mal au sein de son groupe et de la société. Il perdrait autorité et fermeté.
  • Maîtriser ‘’son ventre’’, ce qui veut dire être altruiste, savoir partager ce qu’on a, ce qu’on sait (donc ses savoirs et ses savoir-faire), ce qu’on est, bref, être un modèle.
  • Etre techniquement compétent dans les fonctions pour lesquelles on est élu. Il devrait chaque fois demander des formations pour améliorer ses acquis.

Ce mode d’élection, les Groupements Naam l’ont repris et le signifient « démocratie qualitative » dans leur jargon.

Cette forme de démocratie régule les élections dans nos associations depuis plusieurs siècles. Mais de nos jours, la démocratie dite ‘’moderne’’ l’inquiète.
Elle tente de la remplacer avec l’appui des valeurs importées du colonisateur et celles des religions.
Elle résiste, protégée par le Kombi-Naam et pratiquée par le Groupement Naam. Que deviendra-t-elle ? L’assimilationnisme culturel s’agite autour d’elle. Mérite-t-elle d’être sauvegardée ? Nous le croyons fermement et restons en position de recherche.

 

Bernard Lédéa OUEDRAOGO